Vu de ma fenêtre : lire de ma fenêtre, les points de vue

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Les "points de vues" sont les visions personnelles sur la situation traversée.

Des textes recueillis au cours de l'atelier d'écriture "Vu de ma fenêtre" proposée par Joëlle Ecormier et Les Médiathèques du Nord de La Réunion.

Du 25 avril au 10 mai 2020

Vu de la fenêtre de Karine Ancelly

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Vu de ma fenêtre, je vois un avion décoller.

Soudain, je me demande si je pourrais un jour revoir ma famille en métropole.

Si je pourrais faire d'autres voyages sans craindre ce virus.     

Vu de ma fenêtre, je vois des barreaux.

Je suis libre mais pourtant enfermée.

Libre d'utiliser une attestation pour circuler mais enfermée pour sauver des vies.

Vu de ma fenêtre, le vent souffle, les oiseaux chantent.

La nature reprend ses droits.

Et je me rends compte que ce n'est pas mes désirs qui importent mais bien la vie.

Cette crise laisse place à la création d'un nouveau monde.        

 Vu de ma fenêtre, je me prépare à vivre autrement.  

 

Vu de la fenêtre de Koala974

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Vu de ma fenêtre, je découvre de nombreux un-connu.
Avant le confinement, ce n'étaient que des inconnus.

Cette pause bien arrivée, les arrachent de cette vie effrénée
dans laquelle, ils se sont trop longtemps laissés emporter.

Ils ont enfin osé se poser, se calmer.
Ils ont découvert l'importance de contempler, d'écouter, d'humer,
de goûter à tout ce que l'univers a à leur distribuer.

Ils avancent vers un nouveau dilemme,
Ressortir de là inchangé ou transformé?

Parce que ce monde est à réinventer
et que chaque paysage dépend du regard,
Parce que l'unité est aussi un art,
Ils ont persévéré.

L’Ego n'est plus.
Ils l'ont vaincu.


 

Vu de la fenêtre de Kangourou974

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Vu de ma fenêtre, le ciel est par dessus le toit, si bleu, si calme. Un arbre par dessus le toit berce sa palme.

Non. Ça c’est vu de la fenêtre de Paulo.
Vu de ma fenêtre à moi, le ciel est bleu aussi, il y a un palmier mais pas de toit. Juste des arbres et l’amer. L’immensité de l’océan pour m’y noyer.

Vu de ma fenêtre je vois les élèves du lycée qui sortent de cours, les garçons paradent et les leggings des filles serrent leurs jambes et leurs fesses encore fermes.
J'aurais bien aimé connaître le lycée public, apprendre la vie au bon moment, être à l'aise, un peu effronté, piquer des trucs dans les supermarchés, perdre mon pucelage tôt, me prendre des droites et en donner quelques-unes en retour.
Mais ça n’a pas été le cas, non, loin de là, moi j'étais plutôt de ceux qui rasent les murs, qui font pas de vagues, un gentil petit collabo peureux comme y a pas, qui fait tout bien comme on lui demande, qui se lève tôt, se couche tôt et travaille quand il faut.
Pendant longtemps je me suis acharné à me ranger dans une boîte, à avoir une vie normale, un métier normal, un salaire normal, des sentiments normaux, une femme normale, une mort normale, etc, etc.
Vu de ma fenêtre à moi y’a un fauve qui me crie : tu seras tout seul, divorcé, sans enfants, remarié, alcoolo, adultère, fils indigne, mauvais frère, tu seras amer, trop sévère, malheureux, en colère, méprisable, imbuvable, égoïste, insupportable.
Mais non, pas de fauve sous ma fenêtre. Juste un endroit où m’écraser quand je sauterai.

[D’après Paul Verlaine, Le ciel est par-dessus le toit (Sagesse - 1881) et Fauve, Loterie (Vieux frères - 2014)]

Vu de la fenêtre d'Anna (11 ans et demi – Épinal, Vosges) #2

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Ma fenêtre ouverte

Plus personne n'a confiance, même plus l'univers...

Un jour, l'univers nous sourit, nous assure que tout ira bien, nous offre son soleil

lumineux...

Un autre jour, l'univers pleure et se cache, déchaînant sa rage sur nous,

envoyant une pluie acide...

Et ainsi de suite, pour finalement ne plus suivre le cours des choses,

désespéré...

Malgré tout, certaines âmes lumineuses restent accrochées à l'espoir,

convaincues que tout s'arrangera.

Ces âmes là, ne sont pas lasses du confinement, elles s’acharnent pour

progresser et non pour régresser...

Nous DEVONS lutter contre la PLUIE, nous DEVONS fermer les yeux sur les

angoisses, rester prudents mais confiants, nous DEVONS soutenir le SOLEIL,

rester prudents, rester confiants. Parce qu'au fond, c'est tout ce qu'il nous

reste...

 

 

Vu de la fenêtre de Anne Cécile 84

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Vu de ma fenêtre, je vois l'amour et la haine qui s'entremêlent.
Les nuages qui accompagnent le ciel
Les oiseaux qui chantent à tue-tête


Vu de ma fenêtre, je vois le soleil qui ne cesse de briller,
avec ses arbres qui ne cessent de bouger au son du vent qui souffle tout doucement.


Vu de ma fenêtre, je vois l'être humain qui ne cesse de se battre chaque jour pour que son bonheur dure toujours.
Le son des vagues, qui ne fait que bercer nos cœurs submergés de mélancolie et de désespoir.
Vu de ma fenêtre, je vois l'espoir dans les yeux de ceux qui mènent un combat.


Vu de ma fenêtre, je vois la vie qui défile, qui ne cesse de grandir
et qui nous fait comprendre que demain n'a pas de prix,
que la vie est tellement facile et qu'il faut la regarder avec le sourire.

Vu de la fenêtre d'Elena (Vosges, Epinal)

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Vu de ma fenêtre, le Monde.

Toujours là.

Sans Moi.

 

Maintenant, je sais.

 

Moi, je suis le nuisible.
Insatiable.
Je mange
je creuse
je coupe
je jette
j'arrache
je mange
je m'habille
je prends
je chasse
je mange
je domestique
j'apprivoise

je mange, je mange, je mange...

 

Maintenant, je sais.

 

Je ne suis pas nécessaire
aux oiseaux qui font leur nid,
aux fleurs qui bourgeonnent,
aux arbres qui verdissent,
au soleil qui chauffe.
Maintenant, je sais :
Le printemps n'a pas besoin de moi

pour avancer, insaisissable.

 

Maintenant, je sais.

Le champ n'a pas besoin de ma route aveugle

pressée d'aller droit devant elle.

 

Maintenant, je sais.

Le sable n'a pas besoin de l'empreinte de mes pas.

 

Maintenant, je sais.

Le soleil n'a pas besoin de ma peau pour y poser ses caresses.

 

Maintenant, je sais.

La beauté n'a pas besoin de mon regard pour exister.

 

Le Monde est toujours là,
sans moi.

Vu de la fenêtre de Lucie

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Vu de ma fenêtre, les rues sont vides, mais les cœurs pleins à craquer, prêts à exploser.
 

Les passions se déchaînent, les ardeurs m’entraînent, sur le papier, jusqu’au clavier.

Vu de ma fenêtre, les papillons batifolent dehors, et dans les ventres. Les désirs n’ont jamais été aussi
forts, et le manque délicieux créera peut-être des chef-d’œuvres.

 

Je vois le temps passer à ma fenêtre. Si lentement et si vite pourtant.
 

Je vois les gens comprendre leur asservissement. Je vois le monde s’éveiller et les gens réaliser l’absurdité de leur cocon d’insouciance.
 

Vu de ma fenêtre, on retient son souffle. On se demande si tout va repartir comme avant, ou si, enfin, la catastrophe engendrera le soulèvement.
 

Vu de ma fenêtre, on ne sait pas si le silence est signe de calme plat, ou de calme avant la tempête.
 

Vu de ma fenêtre, le ciel noir est plus clair, mes nuits blanches plus opaques.
 

Vu de ma fenêtre, la nature reprend ses droits. La canne à sucre engloutit ma maison sous un torrent de verdure.

Mes pensées divaguent sur la mer d’huile, s’accrochent aux étoiles.
 

Accoudée à ma fenêtre, j’espère un changement.

Vu de la fenêtre de Fahame

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Vu de ma fenêtre

Demain

Demain ?

Demain...

 

A faire

A défaire ?

A refaire...

 

A dire

A dédire ?

A redire...

 

A voir,

A revoir ?

A entrevoir...

 

A construire

A déconstruire ?

A reconstruire...

 

A être

A naître ?

A renaître...

 

Vu de ma fenêtre.