Vu de ma fenêtre : lire de ma fenêtre, les vues de l'esprit

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Les "vues de l'esprit" sont les textes qui s'appuient sur le visible pour aller vers l'invisible.

Des textes recueillis au cours de l'atelier d'écriture "Vu de ma fenêtre" proposée par Joëlle Ecormier et Les Médiathèques du Nord de La Réunion.

Du 25 avril au 10 mai 2020

Vu de la fenêtre de Frédéric Ginet

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Vu de ma fenêtre, je découvre tout un monde.

Ce ne sont pas que des montagnes verdoyantes,

mais des lieux où je pourrais m'évader à travers des escapades. 

De ma fenêtre, mon esprit s'envole et s'en va vers des horizons imaginaires.

Quand j'ouvre les yeux le matin, rien ne me rend plus heureux que d'aller regarder

pour voir si une éphémère illusion ne viendrait pas égayer ma journée. 

Ma fenêtre est l'ouverture dont j'ai besoin pour aller à la rencontre de mes rêveries.

Parfois il m'arrive de m'envoler tel un papangue pour repérer mon territoire de vie,

pour apprécier mon environnement et avoir une vision globale de ce qui m'entoure. 

J'essaie de rester ouvert à toute aventure qui me permettrait de partir loin.

Vu de ma fenêtre, il m'arrive de suivre un oiseau qui se pose pour un moment

et de l'accompagner et essayer de partager sa vision du monde.

J'aimerais tellement rester là.

Vu de la fenêtre de Fahame

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Vu de ma (porte) fenêtre

Le ballet d’un paille-en-queue, trace blanche virevoltante à flanc de montagne.

On la croirait suspendue à un pendule qui exécuterait un cercle sans fin.
Tout disparait autour, seul son mouvement habite l’espace et l’esprit, hypnotique.
Et puis s’en va… charmer d’autres regards, à d’autres fenêtres

Vu de ma (porte) fenêtre
Un vent de liberté
Un brin d’insouciance
Une quiétude dans la tourmente
Un moment hors du temps
Un temps qui se réécrit
Un lendemain
Un lent demain

Vu de ma (porte) fenêtre…

Vu de la fenêtre de Carole (La Montagne)

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Vu de ma fenêtre, le ciel n’est pas si grand

Chaque jour il me présente sa palette de couleurs

Et j’admire ses changements. Toujours là mais jamais le même

Il est le reflet de mon âme, il inspire mon humeur sans atteindre mon moral

Et chaque soir il s’éteint comme pour entraîner mon sommeil

 

Vu de ma fenêtre l’océan n’est pas si grand

Chaque jour il me parle, sans cesse, avec douceur ou avec violence

Et j’admire son chant. Mélodie des sirènes ou danse endiablée

Il est le reflet de mon corps, il inspire mes projets, il me donne du courage à l’action

Et chaque soir il m’incite à me coucher avec le soleil   

 

Vu de ma fenêtre, l’Amour est omniprésent

Chaque jour il se manifeste de tellement de façons

Et j’admire sa grandeur. Discret et capable de soulever des montagnes

Il est le reflet de mon monde. Il inspire mes mots et mes actes. Il me donne des ailes

Et chaque soir je suis reconnaissante d’avoir fait sa rencontre

 

 

Vu de ma fenêtre, la Mort n'est pas si loin

Chaque jour je reste sourde lorsqu’elle toque à ma porte

Et j’admire sa persévérance. À me couper le souffle, à rompre mes membres

Il est le reflet de ma Vie. Il me presse à vivre. Je dois lutter sans cesse.

Et chaque soir je me couche, harassée du combat mais vivante

Vu de la fenêtre de Sandrine

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Ma fenêtre ressemble à un tableau vivant.

C'est un camaïeu de verts qui oscille doucement dans le vent.

Dehors, c'est le calme plat.

Par ma fenêtre, je le vois au travers de traces de petits doigts !

Le souvenir que ces traces font naître en moi est agité et bruyant...

Que le contraste est saisissant !

Comme l'oiseau qui par son passage furtif fend le ciel blanc,

Un souvenir me vient soudainement...

"J'ai rêvé que les insectes revenaient !" m'a raconté Axel...

Que la vision d'un enfant est fragile et belle !

Moi aussi, le retour des insectes, je l'attends...

Depuis longtemps !

Au moins, il y a toujours les plantes, la pluie, le ciel...

Ça, c'est intemporel.

La pluie qui tombe et le clavecin que j'entends,

Semblent jouer le même morceau....

Mais... vers l'idée du dîner approchant, mon esprit revient obstinément !

Vu de la fenêtre de Sand

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Au loin, des petits traits, des pointillés qui se dessinent sur cette immensité.

Des puzzles. Des formes qui esquissent des labyrinthes sans issues. 

Les picotements de mes yeux éraflent cette toile crayonnée face à moi. 

Et même ces morceaux de verre ne me sont pas d’une grande utilité pour y voir plus clair. 

 

Vu de ma fenêtre, les statues de géants sont des miniatures, des jeux d’enfants, immobiles.

Une maquette figée où le temps ne semble pas s’écouler. Je reviens à la réalité grâce aux alizés. 

Quelques feuilles dandinent tandis que des moutons jouent avec des plumes.

Je regarde, incrédule, ce vacarme chorégraphique. Droite, gauche, demi-tour, et ça repart.

Et je sens cette sensation. Vous savez, celle que l’on ressent quand les lumières s’éteignent juste avant le début du spectacle.

Cette sérénité qui se mêle à l’inconnu de ce qui va se jouer devant nous. 

 

Les vagues, elles, donnent le tempo. Je les entends. Loin. En sourdine mais abrutissantes.

Espoir, désespoir, espoir, désespoir. Un air familier mais si singulier de cette pensée métronomique.

Cette musique vacillante écrit désormais mon quotidien, en blanc, en noir.

 

Le soleil brûle ma peau mais à l’intérieur il fait froid.

J’essuie légèrement la fenêtre pour tenter d’éclaircir ces carreaux qui commencent à s’empoussiérer.

Mais plus je la nettoie, plus cette crasse apparaît. 

Plus je frotte et plus ma vision disparaît. 

Résignée, je tache de m'effacer.

 

Et là, un fracas. Un uppercut. 

 

L'obscurité !

Vu de la fenêtre d'Anna (11 ans et demi – Épinal, Vosges)

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De ma fenêtre, je vois un ciel morne et laid,

Mais, d'un peu plus près, je vois un ciel lumineux et empli d'espoir.

De ma fenêtre, je vois de grands arbres verts, identiques et familiers,

Mais, d'un peu plus près, je vois de grands arbres puissants et majestueux.

De ma fenêtre, je vois une liasse de maisons accablées et mélancoliques,

Mais, d'un peu plus près, je vois des maisons colorées et animées.

De ma fenêtre, je vois des fleurs transparentes, sans intérêt...

Mais, d'un peu plus près, je vois des fleurs à vœux, portant chance.

De ma fenêtre, je vois des voitures sales et poussiéreuses,

Mais, d'un peu plus près, je vois des voitures impatientes de reprendre la route.

De ma fenêtre, je vois des champs délaissés, décolorés...

Mais, d'un peu plus près, je vois des champs bourgeonnants et fertiles.

De ma fenêtre, je vois une situation désespérée, sans issue...

Mais, au bout de mes pas, je vois renaître l'espoir.

Vu de la fenêtre de Maïwenn

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Vu de ma fenêtre,
Une maison au toit rond se déplace.
Elle marche,
Elle marche au ralenti parce que chaque pas compte...
 

Elle frôle une rangée d’aloès,
Traverse un carré de pissenlits,
S'étonne de la présence d'un caillou,
D'un oiseau trop bavard.
 

Elle s'arrête,
S'assure de la solidité de ses fondations,
Avant de continuer sa progression au milieu des hautes herbes.
 

Là bas !
Un trèfle,
La chair orange et sucrée d'un morceau de papaye,
Hum, un bain de soleil !
C'est simplement, simplement délicieux...
 

Elle reprend sa marche,
Au ralenti,
Chaque pas compte.
 

Est-ce le feuillage du mûrier qui tremble ?
Un nuage qui passe, une goutte de pluie...
Ou peut-être le vent ?
Un drôle de bruit...
La cavale d'un chat après un autre chat !
Ou brusquement, la sensation d'une lumière qui change :
 

Suspens...
ça bouge trop vite autour d'elle,
Elle s'immobilise à nouveau,
Elle attend.
 

Il paraît que le monde tourne désormais au ralenti,
Mais cela n'a jamais été un problème !
Merveilleuse lenteur !
Ces géants n'ont rien compris...
 

Deux perles noires,
Deux minuscules fenêtres,
Ouvertes sur l'espace,
Elle fait les yeux ronds :
Rien à dire, elle le trouve infini...
 

Maintenant voilà qu'elle cherche l'ombre d'un coin,
Un tout petit coin de jardin,
L'ombre d'une forêt de feuilles songes.
Elle s'arrondit de plus en plus,
Il est grand temps de faire une pause...
 

Vu de ma fenêtre :
Ma tortue...
 

Vu de la fenêtre de Nady

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Vu de ma fenêtre, il y a un parc vide empli de silence à en faire frémir.
À cette heure tardive, les oiseaux se cachent pour dormir.

Avant, vu de ma fenêtre, ça grouillait d’enfants
et de musique les jours de kermesse de l’école.
C’était marrant.
L’été entre voisins on se réunissait pour rigoler mais après le ravalement l’ambiance était moins drôle.

Puis est arrivé ce que tout le monde sait.
Et aujourd’hui vu de ma fenêtre on ne voit plus les pitchounes s’amuser.
Au début quelques familles ont résisté,
mais très vite les oiseaux ont pris leurs quartiers d’été,
à tel point que certains jours, malgré un double vitrage, on les entend beugler !

Vu de ma fenêtre, j’assiste aussi aux applaudissements aux balcons à 20h.
Pour être honnête, ils me mettent mal à l’aise car j’y vois un leurre.
Nos hôpitaux ont surtout besoin d’argent, de matériel et de personnel en temps
ordinaire,
alors j’imagine leur détresse pendant cette crise sanitaire.
Puisse cette reconnaissance humaine soudaine perdurer dans le futur
avec des moyens qui s’ensuivent sinon toute cela n’aura pas fière allure !

Un jour, le street artiste Jordane Saget nous a demandé de lui envoyer un cliché de la vue de nos fenêtres.
Fallait voir nos têtes
devant un projet aussi fou !
On s’est exécuté.
Lui de son côté, avec talent, est parvenu à sublimer
la vue de notre fenêtre, c’est trop chou !

Aujourd’hui, vu de ma fenêtre, entre les feuillages des arbres qui se déploient,
il y a ses lignes virtuelles que j’entraperçois
et ça me met en joie.

Vu de la fenêtre de MM

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Vu de ma fenêtre, une grande porte.

Derrière la grande porte vue de ma fenêtre, une mer immense.

Je plonge dans la mer vue de la porte que j'ai vue de ma fenêtre.

L'eau m'embrasse et je chavire profondément.
Je ne vois plus la porte.

Au fond de l'eau une lumière, comme celle que je vois de ma fenêtre.

Je me glisse hors de la mer par la fenêtre au fond de l'eau, celle vue de la mer que j'ai vue de la porte. Porte que j'ai vue de ma fenêtre.

Je me suis perdue.

Je ferme les yeux. Je me vois de ma fenêtre.

 

Vu de ma fenêtre

Une porte,

Une mer,

Une autre fenêtre,

Moi de ma fenêtre,

Un éléphant papotant avec un zèbre,

Des fourmis en plein marathon,

Toi rigolant

Vu de la fenêtre de Soledad

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Vu de ma fenêtre,

J entends la mer se balader, les pailles-en-queue causer

 

Vu de ma fenêtre,

Une grue se déplace au rythme des percussions des musiciens du béton 

 

Vu de ma fenêtre,

Je contemple, découvre les couleurs, les reliefs, le mouvement, la vibration d un monde

 

Vu de ma fenêtre, 

Mon rêve se prête au jeu de l'envol. 

Vu de la fenêtre de Pierrot _la_lutte

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Un oiseau qui ricane, quelques enfants qui fuient,

un rideau qui abrite une fenêtre sans vie,
un bateau sans marin qui apostrophe l’âme,
de ceux qui rêvent fort de fuir loin du phare,
moi vu de ma fenêtre, je ne vois que ce ciel,
qui implore les vagues de caresser mes cernes,
le soir quelques étoiles réconfortent les larmes,
hantées par des défunts qui défilent sans fins.
Si vu de ma lucarne, le futur est un arbre,
au pied d'un saule-pleureur, j'ai installé ma natte.
Quelques passants qui errent, qui dirigent leur tête,
vers l'ennui qui espère, accoudé aux fenêtres.
Un banc de souvenirs, des rides qui choisissent,
à quel espoir offrir d'éternelles cicatrices,
car vu de ma fenêtre, il n'y a que le temps,
qui perd son été dans un hiver brûlant.

Instagram :pierrot-la-lutte

 

Vu de la fenêtre d'Olivia Delay #3

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Vu de ma fenêtre,
ma fenêtre est celle d’un train
qui fonce éperdument vers le lointain
paysage aussitôt vu aussitôt disparu
fondu enchaîné
C’est un film
Vu de ma fenêtre,
ma fenêtre est celle d’un train
qui traverse le temps
époques révolues époques inconnues
cousu décousu
C’est une broderie sans fin
Vu de ma fenêtre,
ma fenêtre est celle d’un train
qui voyage au-delà des confins
les fils et les films s’entrelacent
et se télescopent
C’est l’univers tout entier tournoyant
Vu de ma fenêtre,
ma fenêtre est celle du cœur
lucarne minuscule
qui projette les images
mains qui se tendent
doigts qui se frôlent
sourires qui s’illuminent
petite fenêtre ronde
qui déploie
le tissu du monde
Vu en verlan UV
la lumière du soleil
l’énergie des cieux
la pulsation de l’univers
vues de ma fenêtre ultra-violette.

Écrit de la fenêtre de Sabine Lagrasse

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Bali, il y a  une décennie déjà. Las !

À pas de fourmi, je sillonne les rizières

À Lagrasse hier, où coule l'Orbieu sa rivière

À pied de limace, la nature en état de grâce

Vu de la fenêtre de Maggy C

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Vu de ma fenêtre
L’air est frais, je frissonne
quelle heure ?
Je ne sais pas, ici ou là
Le matin
 

Vu de ma fenêtre
Elle est dans ce nuage
Dans cette minute-ci
Je la vois dans l’interstice
Entre l’élan et le bateau
 

Vu de ma fenêtre
L’absence en relief
Me mord puis se fane...
Je sens l’ombre
d’une autre minute amère
 

Vu de ma fenêtre
Le soleil m’étreint enfin,
D’un trait, il me souligne et me console
Et la lumière éloigne doucement
ses mains qui se taisent trop souvent
 

Vu de ma fenêtre
Il est temps
Maintenant...
Aujourd’hui se déploie
Déjà...
 

Vu de ma fenêtre
J’écoute les pas feutrés
Deux petits bols s’entrechoquent
Quatre petites mains s’affairent !
 

Vu de ma fenêtre
Je sens le chocolat
Dans le lait et sûrement à côté
Joyeuse et bruyante discrétion !
 

Vu de ma fenêtre
Je touche le ciel
les pieds pourtant au sol
Ivresse matinale !
 

Vu de ma fenêtre
Je goûte pour toujours
la douceur de cet instant
Gratitude...