Vu de ma fenêtre : lire de ma fenêtre, les belles vues

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les belles vuesLes "belles vues" sont les textes repérés par Joëlle Ecormier.

Des textes recueillis au cours de l'atelier d'écriture "Vu de ma fenêtre" proposé par Joëlle Ecormier et Les Médiathèques du Nord de La Réunion.

Du 25 avril au 10 mai 2020

Vu de la fenêtre de Kangourou974

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Vu de ma fenêtre, le ciel est par dessus le toit, si bleu, si calme. Un arbre par dessus le toit berce sa palme.

Non. Ça c’est vu de la fenêtre de Paulo.
Vu de ma fenêtre à moi, le ciel est bleu aussi, il y a un palmier mais pas de toit. Juste des arbres et l’amer. L’immensité de l’océan pour m’y noyer.

Vu de ma fenêtre je vois les élèves du lycée qui sortent de cours, les garçons paradent et les leggings des filles serrent leurs jambes et leurs fesses encore fermes.
J'aurais bien aimé connaître le lycée public, apprendre la vie au bon moment, être à l'aise, un peu effronté, piquer des trucs dans les supermarchés, perdre mon pucelage tôt, me prendre des droites et en donner quelques-unes en retour.
Mais ça n’a pas été le cas, non, loin de là, moi j'étais plutôt de ceux qui rasent les murs, qui font pas de vagues, un gentil petit collabo peureux comme y a pas, qui fait tout bien comme on lui demande, qui se lève tôt, se couche tôt et travaille quand il faut.
Pendant longtemps je me suis acharné à me ranger dans une boîte, à avoir une vie normale, un métier normal, un salaire normal, des sentiments normaux, une femme normale, une mort normale, etc, etc.
Vu de ma fenêtre à moi y’a un fauve qui me crie : tu seras tout seul, divorcé, sans enfants, remarié, alcoolo, adultère, fils indigne, mauvais frère, tu seras amer, trop sévère, malheureux, en colère, méprisable, imbuvable, égoïste, insupportable.
Mais non, pas de fauve sous ma fenêtre. Juste un endroit où m’écraser quand je sauterai.

[D’après Paul Verlaine, Le ciel est par-dessus le toit (Sagesse - 1881) et Fauve, Loterie (Vieux frères - 2014)]

Vu de la fenêtre de Pierrot _la_lutte

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Un oiseau qui ricane, quelques enfants qui fuient,

un rideau qui abrite une fenêtre sans vie,
un bateau sans marin qui apostrophe l’âme,
de ceux qui rêvent fort de fuir loin du phare,
moi vu de ma fenêtre, je ne vois que ce ciel,
qui implore les vagues de caresser mes cernes,
le soir quelques étoiles réconfortent les larmes,
hantées par des défunts qui défilent sans fins.
Si vu de ma lucarne, le futur est un arbre,
au pied d'un saule-pleureur, j'ai installé ma natte.
Quelques passants qui errent, qui dirigent leur tête,
vers l'ennui qui espère, accoudé aux fenêtres.
Un banc de souvenirs, des rides qui choisissent,
à quel espoir offrir d'éternelles cicatrices,
car vu de ma fenêtre, il n'y a que le temps,
qui perd son été dans un hiver brûlant.

Instagram :pierrot-la-lutte

 

Vu de la fenêtre d'Anna (11 ans et demi – Épinal, Vosges)

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De ma fenêtre, je vois un ciel morne et laid,

Mais, d'un peu plus près, je vois un ciel lumineux et empli d'espoir.

De ma fenêtre, je vois de grands arbres verts, identiques et familiers,

Mais, d'un peu plus près, je vois de grands arbres puissants et majestueux.

De ma fenêtre, je vois une liasse de maisons accablées et mélancoliques,

Mais, d'un peu plus près, je vois des maisons colorées et animées.

De ma fenêtre, je vois des fleurs transparentes, sans intérêt...

Mais, d'un peu plus près, je vois des fleurs à vœux, portant chance.

De ma fenêtre, je vois des voitures sales et poussiéreuses,

Mais, d'un peu plus près, je vois des voitures impatientes de reprendre la route.

De ma fenêtre, je vois des champs délaissés, décolorés...

Mais, d'un peu plus près, je vois des champs bourgeonnants et fertiles.

De ma fenêtre, je vois une situation désespérée, sans issue...

Mais, au bout de mes pas, je vois renaître l'espoir.

Vu de la fenêtre d'Elena (Vosges, Epinal)

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Vu de ma fenêtre, le Monde.

Toujours là.

Sans Moi.

 

Maintenant, je sais.

 

Moi, je suis le nuisible.
Insatiable.
Je mange
je creuse
je coupe
je jette
j'arrache
je mange
je m'habille
je prends
je chasse
je mange
je domestique
j'apprivoise

je mange, je mange, je mange...

 

Maintenant, je sais.

 

Je ne suis pas nécessaire
aux oiseaux qui font leur nid,
aux fleurs qui bourgeonnent,
aux arbres qui verdissent,
au soleil qui chauffe.
Maintenant, je sais :
Le printemps n'a pas besoin de moi

pour avancer, insaisissable.

 

Maintenant, je sais.

Le champ n'a pas besoin de ma route aveugle

pressée d'aller droit devant elle.

 

Maintenant, je sais.

Le sable n'a pas besoin de l'empreinte de mes pas.

 

Maintenant, je sais.

Le soleil n'a pas besoin de ma peau pour y poser ses caresses.

 

Maintenant, je sais.

La beauté n'a pas besoin de mon regard pour exister.

 

Le Monde est toujours là,
sans moi.

Vu de la fenêtre de Lucie

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Vu de ma fenêtre, les rues sont vides, mais les cœurs pleins à craquer, prêts à exploser.
 

Les passions se déchaînent, les ardeurs m’entraînent, sur le papier, jusqu’au clavier.

Vu de ma fenêtre, les papillons batifolent dehors, et dans les ventres. Les désirs n’ont jamais été aussi
forts, et le manque délicieux créera peut-être des chef-d’œuvres.

 

Je vois le temps passer à ma fenêtre. Si lentement et si vite pourtant.
 

Je vois les gens comprendre leur asservissement. Je vois le monde s’éveiller et les gens réaliser l’absurdité de leur cocon d’insouciance.
 

Vu de ma fenêtre, on retient son souffle. On se demande si tout va repartir comme avant, ou si, enfin, la catastrophe engendrera le soulèvement.
 

Vu de ma fenêtre, on ne sait pas si le silence est signe de calme plat, ou de calme avant la tempête.
 

Vu de ma fenêtre, le ciel noir est plus clair, mes nuits blanches plus opaques.
 

Vu de ma fenêtre, la nature reprend ses droits. La canne à sucre engloutit ma maison sous un torrent de verdure.

Mes pensées divaguent sur la mer d’huile, s’accrochent aux étoiles.
 

Accoudée à ma fenêtre, j’espère un changement.

Vu de la fenêtre de MM

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Vu de ma fenêtre, une grande porte.

Derrière la grande porte vue de ma fenêtre, une mer immense.

Je plonge dans la mer vue de la porte que j'ai vue de ma fenêtre.

L'eau m'embrasse et je chavire profondément.
Je ne vois plus la porte.

Au fond de l'eau une lumière, comme celle que je vois de ma fenêtre.

Je me glisse hors de la mer par la fenêtre au fond de l'eau, celle vue de la mer que j'ai vue de la porte. Porte que j'ai vue de ma fenêtre.

Je me suis perdue.

Je ferme les yeux. Je me vois de ma fenêtre.

 

Vu de ma fenêtre

Une porte,

Une mer,

Une autre fenêtre,

Moi de ma fenêtre,

Un éléphant papotant avec un zèbre,

Des fourmis en plein marathon,

Toi rigolant

Vu de la fenêtre de Carole (La Montagne)

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Vu de ma fenêtre, le ciel n’est pas si grand

Chaque jour il me présente sa palette de couleurs

Et j’admire ses changements. Toujours là mais jamais le même

Il est le reflet de mon âme, il inspire mon humeur sans atteindre mon moral

Et chaque soir il s’éteint comme pour entraîner mon sommeil

 

Vu de ma fenêtre l’océan n’est pas si grand

Chaque jour il me parle, sans cesse, avec douceur ou avec violence

Et j’admire son chant. Mélodie des sirènes ou danse endiablée

Il est le reflet de mon corps, il inspire mes projets, il me donne du courage à l’action

Et chaque soir il m’incite à me coucher avec le soleil   

 

Vu de ma fenêtre, l’Amour est omniprésent

Chaque jour il se manifeste de tellement de façons

Et j’admire sa grandeur. Discret et capable de soulever des montagnes

Il est le reflet de mon monde. Il inspire mes mots et mes actes. Il me donne des ailes

Et chaque soir je suis reconnaissante d’avoir fait sa rencontre

 

 

Vu de ma fenêtre, la Mort n'est pas si loin

Chaque jour je reste sourde lorsqu’elle toque à ma porte

Et j’admire sa persévérance. À me couper le souffle, à rompre mes membres

Il est le reflet de ma Vie. Il me presse à vivre. Je dois lutter sans cesse.

Et chaque soir je me couche, harassée du combat mais vivante

Vu de la fenêtre d'Aurélien (6 ans)

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Vu de ma fenêtre, je vois la mer, des arbres, la nouvelle feuille du palmier, mes poules, leur poulailler. 

Vu de ma fenêtre quelques chants d'oiseaux, quelques nuages. 

C'est beau, c'est calme.

Vu de la fenêtre d'Olivia Delay #3

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Vu de ma fenêtre,
ma fenêtre est celle d’un train
qui fonce éperdument vers le lointain
paysage aussitôt vu aussitôt disparu
fondu enchaîné
C’est un film
Vu de ma fenêtre,
ma fenêtre est celle d’un train
qui traverse le temps
époques révolues époques inconnues
cousu décousu
C’est une broderie sans fin
Vu de ma fenêtre,
ma fenêtre est celle d’un train
qui voyage au-delà des confins
les fils et les films s’entrelacent
et se télescopent
C’est l’univers tout entier tournoyant
Vu de ma fenêtre,
ma fenêtre est celle du cœur
lucarne minuscule
qui projette les images
mains qui se tendent
doigts qui se frôlent
sourires qui s’illuminent
petite fenêtre ronde
qui déploie
le tissu du monde
Vu en verlan UV
la lumière du soleil
l’énergie des cieux
la pulsation de l’univers
vues de ma fenêtre ultra-violette.

Vu de la fenêtre de Maïwenn

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Vu de ma fenêtre,
Une maison au toit rond se déplace.
Elle marche,
Elle marche au ralenti parce que chaque pas compte...
 

Elle frôle une rangée d’aloès,
Traverse un carré de pissenlits,
S'étonne de la présence d'un caillou,
D'un oiseau trop bavard.
 

Elle s'arrête,
S'assure de la solidité de ses fondations,
Avant de continuer sa progression au milieu des hautes herbes.
 

Là bas !
Un trèfle,
La chair orange et sucrée d'un morceau de papaye,
Hum, un bain de soleil !
C'est simplement, simplement délicieux...
 

Elle reprend sa marche,
Au ralenti,
Chaque pas compte.
 

Est-ce le feuillage du mûrier qui tremble ?
Un nuage qui passe, une goutte de pluie...
Ou peut-être le vent ?
Un drôle de bruit...
La cavale d'un chat après un autre chat !
Ou brusquement, la sensation d'une lumière qui change :
 

Suspens...
ça bouge trop vite autour d'elle,
Elle s'immobilise à nouveau,
Elle attend.
 

Il paraît que le monde tourne désormais au ralenti,
Mais cela n'a jamais été un problème !
Merveilleuse lenteur !
Ces géants n'ont rien compris...
 

Deux perles noires,
Deux minuscules fenêtres,
Ouvertes sur l'espace,
Elle fait les yeux ronds :
Rien à dire, elle le trouve infini...
 

Maintenant voilà qu'elle cherche l'ombre d'un coin,
Un tout petit coin de jardin,
L'ombre d'une forêt de feuilles songes.
Elle s'arrondit de plus en plus,
Il est grand temps de faire une pause...
 

Vu de ma fenêtre :
Ma tortue...